Edmonde Charles-Roux a regne. Sur la presse, sur le (grand) monde. Et via le coeur de Gaston Defferre, donc sur celui de Marseille. Puis celle-ci fut elue presidente. C’etait a l’academie Goncourt dont elle fut membre pendant trente-trois ans.
On a tout devoile d’elle. Qu’elle etait belle, intelligente, cultivee, courageuse, proche d’la plus haute societe tel intime des meilleurs artistes de son temps. L’ensemble des epithetes flatteuses allaient a le teint. Neanmoins, personne ne lui a jamais accole le terme de « familiere ». Edmonde Charles-Roux etait d’abord une femme de l’univers.
A Marseille, sa metropole adoree, ou l’on n’ignorait rien de son caractere et de sa personnalite, on l’appelait la « dame de fer » depuis le mariage avec le maire. Mais on connaissait une famille depuis des generations. Des le XIXe siecle, les Charles-Roux y avaient tenu le bas du pave. Proprietaires de savonneries, armateurs, deputes attaches a l’expansion de une empire colonial, ils y symbolisaient la haute bourgeoisie triomphante d’la IIIe Republique qui fournissait le pays en industriels et en grands commis de l’Etat. Parfois, comme son pere, ils etaient l’un et l’autre.
A 15 annees, Edmonde Charles-Roux a deja compris qu’on n’eteint gui?re la lumiere en fermant les yeux
Avant d’etre le dernier president d’la richissime Compagnie de Suez, nationalisee avec Nasser en 1956, Francois Charles-Roux avait ete un grand ambassadeur a J’ai veille en Seconde Guerre mondiale. A l’epoque, le Quai d’Orsay etait le club le plus chic de France, plus select i nouveau que le Jockey. On y rencontrait nos Margerie, les Chambrun, les Francois-Poncet et tous ces gamin de famille qui incarnaient l’elegance patricienne francaise mais defendaient la Republique et ses valeurs face a toutes les voyous tenant les renes a Berlin, Rome, Madrid et ailleurs. L’Europe est leur salon.
C’est parmi eux que, petite fille, Edmonde a decouvert le monde au sein d’ nos ambassades les plus prestigieuses, a Prague, puis a Rome, aupres du Saint-Siege, a deux aucun la place de Venise d’ou Mussolini haranguait l’afflux de gens. Inutile de dire que si, en ces annees-la, les bambins pouvaient etre vus mais jamais entendus, elle n’en ouvrit jamais moins grands le regard.
Rien ne lui echappa du spectacle quotidien une brutalite fasciste. Ni de l’impuissance de nos diplomates en cachemire qui saisissaient leurs pinces a sucre pour contrer des haches de Hitler. Marquee a vie, Edmonde fut de pallier au soir jour une femme de gauche. A 15 annees, deja, elle avait compris qu’on n’eteint nullement la lumiere en fermant le regard. Dans l’existence, vous devez se battre. Di?s que la guerre eclate, elle a 20 ans, et les filles de son milieu, avec leur col en dentelle et leurs gants blancs, ont l’air de Cendrillon au bal. Pas elle. Alors que son pere va i?tre secretaire general du Quai d’Orsay a l’espace d’Alexis Leger, elle s’engage comme infirmiere et elle est blessee. Apres la debacle, nullement question de se resigner, elle collabore Afin de la Resistance. Et, en 1944, des le Debarquement en Provence, elle entre a Notre 5e DB et mene campagne jusqu’a J’ai victoire.
Gaston Defferre la contemple comme la voute celeste et elle le seconde dans la cite
Infirmiere, elle soigne beaucoup de legionnaires, devient reellement populaire, en particulier aupres des Tcheques dont elle regroupe la langue, et va i?tre faite caporal d’honneur d’la Legion etrangere, une distinction dont elle restera aussi fiere que de sa croix de guerre ainsi que sa Legion d’honneur ou elle atteindra le grade de grand officier. Notre paix etablie, elle redevient ce qu’elle reste : une vraie beaute du gratin qui se requi?te ce qu’elle va bien pouvoir faire de sa vie. Pas question de se ranger en annoncant ses fiancailles au carnet mondain du « Figaro ». Avec la souplesse des petits chats, qui retombent toujours sur leurs pattes, elle atterrit dans la presse. Elle reste belle, celle-ci a 1 merveilleux carnet d’adresses plein de De… et de Du…, la presse feminine l’accueille a bras ouverts. D’abord a « Elle », avec Helene Lazareff, puis a « Vogue ». Mais c’est mal la connaitre d’imaginer qu’elle va se contenter de mondaniser pour le journal. Ce n’est pas le champagne qu’elle veut Realiser couler, c’est l’encre.
Et, la encore, le energie renverse tout via le passage. En six ans, elle devient redactrice en chef et cree un style. Fini, les photos posees et des legendes composees, le type petite dame, nos renvois d’ascenseur, des seances maquillage. Elle n’a jamais des yeux pour recopier cela se fait deja. Elle appelle les meilleurs photographes (William Klein, Richard Avedon, Irving Penn, Guy Bourdin), rameute ses amis ecrivains (Violette Leduc, Francois Nourissier, Francois-Regis Bastide) et leur laisse carte blanche en disant, comme Diaghilev a Cocteau : « Etonnez-moi. » Ca roule. Elle n’a jamais peur de choquer et d’imposer le point de vue au cric. L’art et la presse ne semblent nullement realises Afin de changer individu mais concernant le montrer. Alors, allons-y ! Un jour, elle fera poser des mannequins sur le mur de Berlin ! Une nouvelle fois, elle pretend mettre une top model noire en couverture. La, c’en est trop pour le groupe Conde Nast. Les provocations d’la gauche caviar parisienne font sans doute bon nombre rire Aragon et sa petite bande (dont Edmonde reste un suppot) mais passent par-dessus la tete des annonceurs de Manhattan qui ne sugardaddymeet algorithme veulent jamais prendre leurs lecteurs a rebrousse-poil. Edmonde claque la a.